Octobre 2021
Jinny Greaves est directrice générale de la PEI Literacy Alliance. (Photo : Gracieuseté)
Avec la crise sanitaire qui a accentué les inégalités scolaires, notamment, le faible niveau de littératie reste un enjeu prégnant à l’Île-du-Prince-Édouard. PEI Literacy Alliance s’attelle depuis des années à améliorer la situation.
À l’Î.-P.-É., on estime que 45 % des 18-65 ans n’ont pas les compétences en littératie nécessaires pour réussir dans la société numérique actuelle. En d’autres termes, près de la moitié des Insulaires en âge de travailler ne maîtrisent pas, ou mal les compétences de base, la lecture, l’écriture, mais aussi, désormais, le numérique.
Selon une étude réalisée par Statistique Canada, environ 60 % ont un emploi et la majorité vit en zone rurale. Il n’existe cependant aucune différence notable entre les communautés anglophone et francophone. «Plus on s’éloigne de Charlottetown, plus le problème est prégnant», précise Jinny Greaves, directrice générale de PEI Literacy Alliance. «Ces personnes ont un sentiment d’échec, elles se cachent. Quand elles sont parentes, elles peuvent transmettre leur manque de confiance à leur enfant», poursuit-elle.
Le développement des outils numériques a révélé et amplifié les fragilités de ces individus qui n’ont pas la pleine capacité de comprendre ce qu’ils lisent. «À cause de la transformation rapide et profonde de notre monde, qui implique un recours massif à la lecture et à l’écriture, les compétences en littératie dont on a besoin aujourd’hui sont bien plus élevées qu’il y a trente ans», observe Jinny Greaves. Par exemple, comment acheter un billet de train en ligne, actualiser sa situation auprès de l’assurance emploi ou même prendre rendez-vous chez son médecin si on ne sait pas bien lire?
«Agir à la racine»
Comment durablement améliorer la situation? Jinny Greaves prône «l’intervention précoce», à même d’éviter selon elle de futures difficultés et décrochages scolaires. À ses yeux, plus l’intervention est tardive, plus les chances de succès sont faibles. «Il faut agir à la racine, mettre des livres entre les mains des tout petits, avant même leur entrée en maternelle afin de leur donner un socle de compétences solides», affirme-t-elle. PEI Literacy Alliance préconise de lire au moins quinze minutes par jour aux jeunes enfants afin de les exposer à plus de mots que les conversations quotidiennes ne le permettraient.
Selon les recherches disponibles sur le sujet, un enfant qui a au moins 20 livres à la maison développera de meilleures compétences linguistiques et d’alphabétisation, et aura un meilleur niveau d’éducation. Le chemin à parcourir est encore long lors-qu’on sait que 25 % des foyers canadiens n’en possèdent pas un seul.
«Il est urgent de valoriser les livres, de faire comprendre aux familles leur importance, tout en diminuant leur coût», plaide Jinny Greaves. Pour la directrice, la littérature jeunesse est encore trop chère : «Trop de familles avec de faibles revenus sont obligées de choisir entre acheter de la nourriture et un livre».
Davantage mobiliser les entreprises
PEI Literacy Alliance a développé plusieurs programmes à destination des jeunes insulaires. L’été, l’alliance offre du tutorat gratuit pour les enfants, de la maternelle à la 6e année, qui ont des difficultés à lire et écrire. 1 200 élèves, dont certains sont scolarisés dans les écoles françaises, y participent chaque année.
L’association donne également des livres, en anglais et en français, à tous ceux qui le souhaitent. Et depuis un an, grâce au projet de bibliothèque imaginaire, 35 insulaires, de moins de 4 ans, reçoivent gratuitement par la poste un livre par mois.
L’organisme a aussi mis sur pied un programme de dix semaines de formation pour les adultes qui veulent améliorer leurs compétences de base et se voir offrir de nouvelles opportunités professionnelles. «Savoir lire et écrire est undroit humain, ça demande beaucoup de temps et de ressources avant d’enregistrer des progrès chez les adultes, mais tout le monde a le droit d’accéder à ce genre de services», souligne Jinny Greaves.
Rejoindre ces personnes, qui ressentent une forte honte, s’avère parfois compliqué. Selon Jinny Greaves, les entreprises doivent davantage se mobiliser pour inciter leurs employés à faire des formations professionnelles aux outils numériques et aux savoirs de base, lecture, écriture.
- Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne