30 janvier 2024
Louis Doiron est le seul actuaire de l’Île-du-Prince-Édouard. Il a plus de 40 ans d’expérience. (Photo : Gracieuseté)
Les actuaires, spécialistes de l’analyse et de la gestion des risques, tant dans le domaine de l’assurance que dans celui de la finance, restent ignorés. L’Île-du-Prince-Édouard n’en compte qu’un seul, le francophone Louis Doiron. Les entreprises sont pourtant de plus en plus demandeuses.
Louis Doiron, actuaire en chef pour 32 compagnies d’assurance et riche d’une expérience professionnelle et académique de plus de quarante ans, nous parle de son métier, des possibilités de carrière à l’île et de l’avenir des assurances à l’heure du dérèglement climatique.
Un actuaire, qu’est-ce que c’est?
C’est un spécialiste des risques dans le domaine de l’assurance et de la finance. La profession reste méconnue, alors que les actuaires sont présents dans la vie des gens beaucoup plus qu’on ne le pense.
Ce sont eux qui conçoivent les produits et tarifs d’assurance et les régimes sociaux. Autrement dit, ils cherchent les données dont ils ont besoin pour établir des modèles statistiques et financiers et calculer les prix des produits d’assurance, dans le secteur des biens ou des personnes.
Ils sont derrière les assurances maison et auto, les assurances vie, les assurances commerciales et agricoles, mais aussi les programmes sociaux tel le régime de pension du Canada, les divers programmes gouvernementaux d’assurance maladie, d’assurance-emploi, d’assurance agricole, d’assurance accidents du travail.
De nos jours, l’intelligence artificielle les aide de plus en plus dans leur travail. Calculer des tarifs d’assurance est en effet extrêmement compliqué et fait appel à des dizaines de variables.
Pour ne donner qu’un exemple, fixer un tarif d’assurance automobile requiert de prendre en compte au moins quarante variables : l’âge du conducteur, le nombre d’années d’expérience de conduite, le type de voiture, l’équipement de sécurité, l’endroit où l’on conduit, les infractions au code de la route, les accidents antérieurs, etc.
Est-il possible d’exercer le métier d’actuaire à l’île?
Tout d’abord, pour devenir actuaire qualifié, il faut faire un baccalauréat en science actuarielle ou dans un autre domaine connexe et acquérir des connaissances en finances, en économie, en mathématiques et en statistiques.
En plus, il faut passer dix examens professionnels. Généralement, les étudiants passent deux ou trois examens pendant leur cursus universitaire et font le reste pendant qu’ils travaillent. Les employeurs offrent généralement des jours d’études rémunérés pour étudier et couvrent le coût des examens et du matériel d’étude.
Ces examens laissent passer 35 à 40 % des gens qui se présentent. C’est donc très sélectif. Résultat, il n’y a qu’environ 3 000 actuaires qualifiés au Canada et je suis le seul à l’île. C’est largement insuffisant et face aux besoins grandissants, le secteur est confronté à une pénurie.
À l’île, les compagnies d’assurance et les organismes qui en ont besoin emploient des consultants externes, des actuaires principalement basés en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.
Mais, en théorie, des actuaires pourraient travailler au sein de la Commission des accidents du travail de l’Î.-P.-É., de la Société d’assurance agricole de l’Î.-P.-É., de la Compagnie d’assurance PEI Mutual à Summerside, ou encore de la ICPEI à Charlottetown.
Ils pourraient aussi offrir leurs services aux régimes de retraite et d’avantages sociaux des principaux employeurs et organismes publics et para-publics ainsi qu’aux diverses municipalités de l’Île-du-Prince-Édouard.
Selon vous, comment assurer les risques à l’heure du réchauffement climatique?
Avec la multiplication des événements climatiques extrêmes, comme la tempête post-tropicale Fiona, les inondations et les feux de forêt, les réclamations auprès des compagnies d’assurance atteignent des niveaux record.
Cela pose un problème fondamental pour l’avenir des assureurs. Ils n’ont donc pas le choix : s’ils ne veulent pas faire faillite, ils doivent arrêter de couvrir certains risques ou les couvrir avec des conditions plus restrictives ou encore offrir des couvertures sous avenants avec des surprimes. Ils ont d’ailleurs déjà commencé en Atlantique et à l’île.
Assurer des risques demande en effet une grande quantité de données. Et à court terme, les compagnies d’assurance n’en ont pas assez sur le changement climatique.
Cependant, à plus long terme, lorsqu’il y aura plus de données disponibles, je suis certain que beaucoup plus de risques seront à nouveau assurés, car c’est évidemment l’objectif premier des assureurs.
- Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne